Extrait du roman : Les mains du destin

 

Le projet de Marie-Ange Wouters

Les mains du destin

Tome 2

Roman sentimental aux dimensions surnaturelles.

 

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Après la cérémonie, tout le monde se retrouva chez Luke. Celui-ci s’était replié sur lui-même et, depuis l’annonce de la tragédie, il n’avait parlé à personne. Il s’isolait pour la plupart du temps. Payton avait, pour sa part, essayé de gérer un maximum de choses. Mais, heureusement, elle avait pu compter sur le grand soutien de Sonia, Emma, Camille, Romane et de son amie Judithe. Pour une raison qu’elle ne connaissait pas, elle avait, involontairement mis Ludo à l’écart. Il était aux petits soins pour elle, mais systématiquement, elle le repoussait.

 « Payton, on peut se parler ?

 – Oui.

– Pourquoi réagis-tu ainsi envers Ludo ?

– Je ne sais pas Judithe. J’ai besoin de me retrouver, de comprendre certaines choses.

– Dis-moi.

– Il y a trop de monde pour l’instant, je préférerais que nous en reparlions un peu plus tard, tu veux bien ?

– Oui. Tu rentres dormir à l’appartement ?

– Oui, mon père me repousse. On dirait qu’il m’en veut !

– Mais non, il est également sous le coup de la douleur ! Pourquoi voudrais-tu qu’il t’en veuille ?

– Je le sens.

– Je pense qu’il faut lui laisser un peu de temps. Il vient de perdre l’amour de sa vie. Il a perdu ses repères.

– Oui, je sais. Mais justement, nous devrions être soudés et, au lieu de cela, il s’écarte.

– Chaque personne réagit à sa façon face à la douleur ma puce.

– Tu as sûrement raison.

– Bon, ce soir, nous passerons une soirée entre filles, toutes les deux. Je vais dire à Ludo et Florian qu’ils ne viennent pas. Je préparerai un bon repas et nous discuterons. Tu es d’accord ?

– Avec grand plaisir. J’ai besoin de lâcher un peu la pression. Merci. »

 

Vers 17h00, la maison était presque vide. La plupart des amis et la famille étaient repartis. Lorsque Payton eut dit au revoir aux derniers, elle alla chercher son père. Celui-ci était sur la balancelle dans le jardin, Darwin à ses côtés.

« Papa ? »

Celui-ci releva la tête. Son visage était baigné de tristesse et de larmes. Ses yeux, par contre, étaient remplis de colère. Payton se sentit foudroyée tel un éclair qui lui brisait les membres.

« Laisse-moi Payton.

– Je voulais te dire que tout le monde est parti et qu’il y a de la nourriture pour toi dans le frigo. »

Luke ne réagit pas.

«  Papa, je sais que tu es malheureux. Mais sache que, moi aussi, je suis malheureuse.

– Payton, va-t’en, car je risque d'être désagréable !

– Mais pourquoi ? Je sais que tu es profondément triste, que tu as perdu la femme que tu aimes, mais  je l’ai, moi aussi, perdue. Je l’aime et c’est ma maman !

– Je ne veux pas en discuter ! Ça suffit ! »

Luke se leva d’un bond et se dirigea vers la maison. Effondrée, Payton se laissa tomber sur la balancelle. Tout en pleurant, elle sentit une petite tête entre ses mains. Darwin était resté auprès d’elle. Payton n’avait jusqu’alors jamais remarqué que celui-ci possédait un regard particulier. Lorsque ses yeux rentrèrent en contact avec les siens, elle ressentit une douce chaleur, de l’apaisement et un immense réconfort. Instinctivement, Payton prit Darwin dans ses bras et, tout en le caressant, elle le remercia. Il était maintenant temps pour elle de rentrer à l’appartement car Judithe l’y attendait.

Elle se dirigeait vers la maison afin d’aller saluer son père, mais Darwin la tira vers la porte du jardin qui donnait sur la cour devant la maison. Payton comprit que Darwin voulait éviter qu’elle entre dans la maison voir son père, que cela était inutile pour l’instant. Elle le caressa, monta dans sa voiture et prit le chemin du retour.

« Quel animal intelligent ! » pensa-t-elle. Il existait donc également des animaux avec des dons, tout comme les humains. Elle espérait qu’il pourrait atténuer la peine, la douleur et la colère de son maître.

 

Arrivée chez elle, Payton trouva Judithe en pleine préparation culinaire.

« Enfin ! Je pensais que tu avais oublié.

– Non ! dit Payton tout en s’asseyant à la table. J’ai voulu discuter un peu avec mon père mais celui-ci m’a totalement niée !

– Écoute, vas te relaxer dans un bon bain chaud, mets-toi en tenue de détente et on se retrouve ici juste après.

– Bonne idée. J’en ai bien besoin ! »

Une bonne demi-heure plus tard, Payton arrivait dans la cuisine. Ça sentait vraiment bon et Judithe avait préparé une jolie table.

«  C'est prêt ma belle.

– Judithe ! Merci !

– Mais de rien. Ludo a essayé de te joindre à plusieurs reprises sur ton port

– Oh zut ! Je l’avais éteint et j'ai oublié de le rallumer.

– Ne t’inquiète pas, je lui ai dit que tu étais rentrée. Il était rassuré et m’a dit qu'il t’appellerait demain dans la matinée.

– D’accord.

– Nous pouvons passer à table. Tu as faim ?

– Je t’avoue que pas trop, mais je vais faire un effort car je sais que tu t’es donnée du mal.

– Il faut que tu manges. Depuis presqu’une semaine, tu ne t’es pas beaucoup nourrie et tu sais que ce n’est pas bon.

– Je sais. Mais tant que je ne comprendrai pas, j’aurai du mal à passer à autre chose ! »

Tout en mangeant, Judithe laissait son amie vider son sac.

«  Comprendre quoi, Payton ?

– Déjà, pourquoi ma mère ne m’est pas apparue ?

– Comment ça ?

–  Ben..., tu sais que j’ai chaque fois aperçu les personnes décédées le jour de leurs funérailles. J’ai vu ton frère, Kathleen, David et Bertrand. Pourquoi cela n’est pas survenu avec ma mère ? 

– Je ne peux te le dire.

– Et pourquoi Mathéo est-il venu au-dessus de son cercueil au cimetière ? Comment est-ce possible ?

– Tu étais, peut-être trop affectée pour la voir.

– Non ! Elle aurait dû venir. J’aurais dû la voir !

– Pour Mathéo, peut-être as-tu cru le voir. N’était-ce pas une envie tellement forte qu’il soit auprès de toi dans la douleur que tu as eu cette vision.

– Non, je suis certaine qu’il y a une raison à cela. Je suis même sûre que ces deux choses sont liées. Comment? Pourquoi? C’est ce que je dois comprendre.

– Pourquoi ne vas-tu pas dans ton dressing appeler Mathéo ? Il n’y a que lui qui peut t’expliquer.

– Oui, mais le jour de l’enterrement, j’ai souhaité qu’on me retire mes dons. Et si jamais....

– Ne dis pas de bêtises ! On ne peut pas te retirer tes dons ainsi !

– Tu vas peut-être me prendre pour une folle, mais j’ai l’intime conviction que la personne que nous avons enterrée aujourd’hui, n’était pas ma mère ! »

Judithe regardait son amie avec de grands yeux étonnés.

« Qu'est-ce qui peut te faire penser cela ?

– Une sensation étrange.

– Tu penses que les autorités auraient pu faire une erreur ? Mais de toute manière, ils ont dit que le choc avait été tellement violent qu’il était totalement impossible qu’il y ait des survivants !

– Je sais, mais avant que l’avion ne s’écrase, il a essayé d’atterrir dans la mer. Des personnes ont été éjectées un peu avant le choc, l’altitude était donc moins élevée. Peut-être était-elle dans ces personnes que la mer a pu sauver.

– Je pense que, malgré tout, les chances de survie sont plutôt maigres.

– De toute manière, j’ai envie d’y croire.

– Je me doute, mais je ne souhaite pas que tu te fasses de fausses joies !

– Je sais Judithe, mais ce que je ressens, je ne peux l’expliquer.

– En même temps, j’ai également envie d’y croire. De plus, sachant que tu as des dons, peut-être as-tu raison. Sache que tu peux compter sur moi, que ce soit pour parler ou pour t’aider dans tes démarches de recherches.

– Merci ! Je ne te l’ai jamais dit, mais je te considère plus comme une sœur que comme une amie !

– Moi aussi, ma puce. Je t’aime énormément. »

 

Cette nuit-là, Payton eut du mal à trouver le sommeil. Plus elle y réfléchissait et plus sa théorie sur sa mère lui apparaissait sensée. Elle était en vie. Elle en était persuadée. Dès le lendemain, elle allait regarder sur son ordinateur et commencer ses recherches. Il fallait qu’elle commence par le début. Savoir s’il y avait des villages non loin de l’accident. Elle s’endormit sur cette pensée. A l’aube, elle fut éveillée par des bruits de voix. Elle se leva d’un bond, et vit Ludo qui préparait le petit déjeuner. Celui-ci avait amené des croissants et avait préparé le café.

« Bonjour mon amour !

– Bonjour.

– N’ayant pas de nouvelles de ta part, j’ai décidé de venir. »

Payton se rappela qu’elle avait oublié de rallumer son portable. Ludo avait dû se faire un sang d’encre.

« Je suis venu car je t’ai laissé dix-huit messages, sans succès.

– Oui, je m’excuse. J’ai oublié de rallumer mon téléphone. Je vais d’ailleurs le faire tout de suite.

– D’accord. Je prépare la table et on pourra déjeuner avant que je ne parte travailler.

– On n’attend pas Judithe ?

– Elle est partie au moment où j’arrivais. Elle avait cours ce matin.

– Oh, merde! Moi aussi. Avec tout ça, j’en oublie mes études.

– Vu le niveau que tu as, je ne pense pas que quelques jours de farniente changeront quelque chose. Quand on voit ta petite mine, je pense que le mieux, pour l’instant, reste le repos complet.

– Non, j’ai des choses à faire. Il y a quelques zones d’ombres que j’aimerais éclaircir.

– Comme ?

– Je ne pense pas que ma mère soit morte ! »

Ludo regardait Payton avec tendresse. Elle n’acceptait pas cette perte.

« Tu sais mon amour, tu es pour l’instant en état de choc, c’est normal que tu aies du mal à accepter une mort si brutale.

– Non, ce n’est pas ça ! Si ma mère était morte, je l’aurais vue.

­– Tu l’aurais vue ? Comment cela ? »

Payton en avait trop dit. Elle avait oublié que Ludo n’était pas au courant. Cela faisait un moment qu’elle s’était promise qu’elle devait lui en parler. Le moment était peut-être venu.

« Ce que je vais te dire va sûrement te paraître surréaliste et, c’est le cas, mais en même temps, c’est la vérité.

– Tu me fais peur là ! Je t’écoute.

– Voilà, je ne suis pas une femme comme les autres.

– Ça, je le sais. Tu es mieux que les autres !

– Non, Ludo. Ce que je veux dire, c’est que la nature m’a offert des dons surnaturels. »

Ludo regardait sa compagne avec un petit sourire en coin. Pour lui, la douleur lui faisait perdre la raison.

« Je me doute de ta pensée, mais je t’assure que je ne délire pas. Tu te souviens quand Romane avait eu une fièvre inexpliquée ?

– Oui.

– C’est moi qui l’ai guérie. C’est pour cela que lorsque tu es revenu de ton intervention, je n’étais plus là. Lorsque j’aide quelqu’un dans la douleur, je la soigne, mais je prends son mal.

 

 

 

 

Du coup, j’étais très faible et j’avais de la fièvre. C’est ma mère qui est venue me chercher.

– Payton, ma chérie, je crois que tu es vraiment surmenée.

– Non, Ludo, écoute-moi ! La nuit avant le drame de l’avion, j’ai eu beaucoup de fièvre que, même toi médecin, n’as pu expliquer ! J’avais pressenti le drame. Mais ce qui est bizarre c’est que, pour les autres fois, je savais qu’il allait y avoir un mort ou un blessé. Ici, rien ! C’est pour cela que, plus j’y pense, plus je suis certaine qu’elle est en vie !

– Je n’ai jamais cru aux voyantes, aux guérisseurs ou autres. Pourquoi t’obstines-tu? Tu risques de te rendre encore plus vulnérable que tu ne l’es ! Les autorités ne peuvent se tromper, tu le sais très bien ! Je comprends que tu aies du mal à accepter la perte de ta maman, mais il faudra t’y résoudre car c’est la vie ! On perd des gens qu’on aime, il y a des personnes qui décèdent chaque jour.

– Tu ne me crois pas alors ?

– Non Payton ! Pour moi, tout a une explication rationnelle ! Je pense que tu es en état de déprime et qu’il faudrait que tu consultes avant de sombrer dans l’irrationnel.

– Ludo, si tu refuses de voir ce que je suis vraiment, alors je ne pense pas que nous ayons un avenir commun. Je suis ainsi ! Je suis née différente et, si cela ne te plaît pas, alors autant en rester là.

– Je vais te laisser ! Peut-être que tu arriveras à revenir dans la réalité. Si c’est le cas, appelle-moi!

– Sinon ?

– Sinon, je crois qu’on s’est tout dit ! Cette situation me rend triste, mais je pense que cette tragédie te fait sombrer doucement dans la folie.

– Laisse-moi ! »

Tout s’écroulait véritablement autour de Payton.

Comment Ludo pouvait-il mettre sa parole en doute ? Cela faisait plus d’un an qu’ils se côtoyaient. Les gens allaient-ils tous, au fur et à mesure, la prendre pour une folle ?

Tant pis ! Elle était bien décidée à suivre ses idées et à poursuivre ses recherches quel qu’en soit le prix !

 

Payton commença ses recherches sur internet. Elle savait que sa mère était sur un vol pour le Québec.

D’après les autorités, l’accident aurait eu lieu tout près de Conso. Le pilote aurait remarqué un ennui mécanique quelques minutes après le décollage de Montréal. Il était déjà au-dessus de l'océan atlantique et savait qu’il n'irait pas jusqu’à l’aéroport de Kangerlussvaq.

Il décida donc de faire demi-tour au-dessus de l’océan pour tenter de rejoindre l’aéroport de Conso. Il n’y était malheureusement pas parvenu et des personnes avaient été éjectées de l’appareil avant l’impact fatidique.

Payton cherchait des îles, des villes, des villages proches de cet aéroport. Elle y trouva Saint Pierre et Miquelon (archipel Français d’Amérique du Nord situé à vingt-cinq kilomètres au sud de l’île canadienne de Terre Neuve).

Ensuite, Terre neuve; grande île au large de la côte atlantique et de l’Amérique du Nord. Il y avait également Prince Edward Island (la plus petite île des provinces du Canada) et pour terminer, le New Brunswick (l’une des dix provinces canadiennes).

Bien entendu, le rapport qu’elle avait entre les mains démontrait que les recherches avaient été effectuées dans tous ces endroits, mais avaient-ils bien cherché partout ?

Elle se fit un plan de route. Il fallait qu’elle parte afin de s’en rendre compte par elle-même. Au moment où elle finissait ses plans, Judithe rentra de sa journée de cours.

 

 

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